vendredi 21 novembre 2008

Un énorme gâchis pour la Gauche française : Mélenchon opte pour l’aventurisme politique !


La guerre des clans au sein du PS français a d’ores et déjà provoqué son premier dégât collatéral : le départ du Parti de Jean-Luc Mélenchon et de ses amis.

Je ne peux que déplorer cette issue funeste pour l’unité de la Gauche française. Le Parti Socialiste d’outre Quiévrain, déjà fragilisé par les querelles intestines que les médias se font un plaisir de relayer abondamment, perd une voix de gauche dont j’avais pu, à de nombreuses reprises, apprécier la pertinence du propos. Si le courant idéologique du PS français dans lequel je me retrouve le plus est celui incarné par Gerard Filoche et ses amis de Démocratie et Socialisme (le lien vers leur site se trouve d’ailleurs depuis longtemps parmi mes favoris), je me suis souvent senti proche des idées défendues par Jean-Luc Mélenchon.

Toutefois, aujourd’hui, je suis plus que sceptique quant à la démarche de Mélenchon et au constat qui la motive. Je vous livre ci-dessous quelques éléments de réflexion en vrac.

Premièrement, je pense que Mélenchon se fourvoie magistralement s’il pense sérieusement copier le succès (relatif) d’Oscar Lafontaine en créant l’équivalent français de Die Linke. Oscar Lafontaine était un ancien président du SPD allemand qui avait occupé de hautes fonctions ministérielles. A ce titre, il avait pu bénéficier d’une visibilité conséquente qui l’a doté d’une certaine assise populaire. Avec tout le respect que j’ai pour Mélenchon, je pense qu’il n’est, à l’heure actuelle, connu que d’une certaine élite politico-médiatique. Il y a fort à parier qu’en dehors de son fief de l’Essonne, il ne pourra pas espérer obtenir des résultats électoraux aussi probants que ceux de Die Linke en Allemagne.

Deuxièmement, par la création de son nouveau parti, Mélenchon contribue à la fragmentation et donc à l’affaiblissement de Gauche française. Je peux entendre son constat, que je ne partage pas et je vais y venir, suivant lequel il lui était devenu impossible de poursuivre son implication au PS. Toutefois, n’était-il pas plus judicieux pour lui d’aller rejoindre le Nouveau Parti Anticapitaliste de Besancenot voire d’essayer de redynamiser et de relancer le PCF ? Scissionite quand tu nous tiens…Par sa décision de repartir à zéro avec une nouvelle formation politique autour de sa personne, Mélenchon apporte également de l’eau au moulin de ceux qui ne voient dans les divisions de la Gauche qu’une fort peu reluisante querelle d’égo.

Troisièmement, l’analyse politique de la situation interne au PS suite au congrès de Reims que le sénateur de l’Essonne et son ami Marc Dolez nous livrent dans leur lettre « Ca suffit comme ça!»[1]est plus que discutable. S’il est clair que les trois motions principales avalisent, à des degrés divers, « l’Europe du Traité de Lisbonne » ou refusent de « mettre en cause le capitalisme », j’ai du mal à distinguer un point de rupture qui rendrait dorénavant inconcevable leur engagement au PS. Je suis d’accord que le traité de Lisbonne, à l’instar du Traité Constitutionnel avorté, se situe dans le droit fil des politiques néolibérales impulsées par l’Union Européenne. Toutefois, dès 1986, avec l’Acte Unique qui levait les entraves à la circulation des marchandises au niveau de la CEE, le ver néolibéral était déjà dans le fruit européen. Sans parler des orientations tout aussi néolibérales que l’on retrouve déjà dans le traité de Maastricht en 1992. Sur le renoncement pour ce qui est de la mise en cause du capitalisme, il faut être de bon compte. Dominique Strauss-Kahn et Pascal Lamy, illustres représentants du socialisme français n’ont pas attendu de prendre connaissance de l’issue des débats idéologiques du Congrès de Reims pour prendre la direction du FMI et de l’OMC, fers de lance du capitalisme mondial. S’il y a un renoncement, il ne date pas d’aujourd’hui. Je dois bien avouer que je ne vois donc pas l’intérêt aujourd’hui d’un « clash » sur ces questions avec les courants majoritaires du PS. A contrario, il me semble que la tendance « plus à gauche » du PS français regroupée autour de Benoit Hamon sort renforcée du congrès de Reims avec un soutien inespéré de 19% des militants à sa motion. En quittant le PS, Mélenchon et ses amis amputent donc cette tendance de soutiens précieux dans le cadre des rapports de force internes au Parti. Je trouve que ce départ qu’il n’est pas indécent de qualifier d’aventuriste constitue une erreur stratégique monumentale et surtout un énorme gâchis pour la Gauche française.

(1) http://www.jean-luc-melenchon.fr/?p=637